«C'est à peine une blague, je peux dire que je vis d'amour et d'eau fraîche ! Parce que rémouleur, c'est presque un métier saisonnier : quand il fait beau, ça va, on pousse la charrette, on fait sonner la cloche et on peut travailler. Mais dès qu'il pleut ou quand le froid arrive, pas la peine d'insister, personne ne sortira pour filer ses lames à aiguiser, que dalle. Là, vaut mieux rester chez soi. C'est ce que je fais. Je vis dans ma caravane, à Vitry-sur-Seine. Je suis bien.
Mon père et mon grand-père étaient déjà rémouleurs. On est gitans, on a toujours vécu comme ça, avec ces petits métiers des "gens du voyage". D'autres faisaient rempailleurs de chaises, de la brocante ou de la vannerie. Moi, à 10 ans, je suivais déjà mon père dans ses tournées. On faisait les marchés. Je le regardais faire. Aujourd'hui encore, je vais au marché de Bicêtre, comme lui. Mais pas seulement, faut bouger dans ce métier.
Un mercredi sur deux, je suis rue Montorgueil à Paris, à 8 heures pétantes. Il y a la fromagerie une fois ou deux, et puis le traiteur, c'est pas mal, il y a du boulot. Mais je ne reste pas figé dans le quartier des Halles. Le lendemain, et le vendredi, c'est la rue du Commerce, dans le XVe. Là-bas, c'est bien, il y a plein de restaurants. En début de semaine, j'étais vers Montmartre, rue Lepic. Et puis je vais aussi dans le XIVe, rue Daguerre, et puis le XVIIe, aux Batignolles. Là, je dois quitter Montorgueil, j'ai une cliente qui m'a donné rendez-vous chez elle à Odéon, pour