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Libération
Critique

Les méfaits de l'«employabilité»

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publié le 20 novembre 2006 à 0h09

«Au cours des trente dernières années, le spectre de la pauvreté est réapparu partout en Occident, et avec lui les imageries de l'indigent, la stigmatisation des assistés, la tentation de réprimer les sans-travail.» Noëlle Burgi, chargée de recherches au CNRS, prend, dans son ouvrage la Machine à exclure (La Découverte), l'exemple de la «mise en activité» ­ comme on dit «remise au travail» ou «mise au coin» ­ des allocataires du RMI. Conçu en 1988 comme un revenu garanti assorti d'un devoir de réinsertion, le RMI, qui repose sur une logique de solidarité (et non pas assurantielle comme l'indemnisation du chômage), a, selon l'auteure, contribué à «distiller l'idée dans l'opinion publique que les chômeurs les plus vulnérables, justiciables d'un régime d'assistance, sont aussi des assistés». Une logique poussée à son terme par la majorité actuelle, qui transfert la gestion du RMI vers les départements, renforce les sanctions contre les allocataires suspects d'en «profiter»...

L'auteure dénonce le concept «d'employabilité» des chômeurs qui «présente l'avantage non négligeable d'attirer l'attention sur "l'être" des chômeurs et leur "psychisme". Par-là même, elle retourne contre eux la responsabilité de leur privation d'emploi et distrait le public en l'invitant à ne pas trop se mêler des grandes orientations de la politique économique. En outre, et plus profondément, elle se moule dans de très anciennes représentations soc