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Libération
Interview

«La mondialisation n'est pas heureuse, elle est sadomaso»

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publié le 28 novembre 2006 à 0h16

L'économie, ça s'apprend, mais ça se désapprend aussi. Dans le tome 2 de son Antimanuel d'économie (1), Bernard Maris, prof à l'université Paris-VIII, ausculte «les cigales» après avoir contemplé «les fourmis». Un livre lumineux. Entretien-divan sur un grand malade : le capitalisme.

Alors, le capitaliste, maniaco-dépressif ou accumulateur-compulsif ?

Un enfant angoissé. Un boulimique, un de ces confituriers, comme disait Keynes, qui met ses «richesses sous terre», hors d'atteinte de la société. Il est aujourd'hui un de nos maniaques du CAC 40, qui accumule les stock-options sans jamais restituer aux hommes la liquidité dont il les saigne. Il est un gérant de fonds de pension qui vit vieux mais infantile, pense quantité de vie et d'argent, pas qualité de vie et partage. Il est ce cupide qui finit «homme le plus riche du cimetière», disait Max Weber. Il grignote du temps pour ne pas en jouir. Et mourir au moment où il pourrait en jouir.

Le travailleur, lui, vit culpabilisé, ne travaillant pas assez, pas assez longtemps, pas assez vite...

Il accepte la souffrance. Il se couche devant les «servitudes volontaires». Le nouveau Sisyphe, qui roule sa pierre. Voyez la violence actuelle des charges contre les 35 heures ! Elles posaient pourtant la question d'un nouvel humanisme : la qualité de la vie. Elles sont dangereuses, nous dit le capitaliste. Au rêve de la fin du travail, on oppose le travail sans fin. Au possible épanouissement dans le boulot, on