Chrystel Breysse est linguiste. Elle prépare au diplôme interruniversitaire (DIU, bac + 5) pour l'égalité des chances à Paris-III et VI. Elle a étudié la féminisation des métiers, des fonctions et des titres.
Vous estimez que le «sexisme lexical» a un impact sur l'orientation professionnelle des jeunes filles. Pourquoi ?
Au même titre que l'iconographie des manuels scolaires ou des livres d'enfants, le langage participe à la création des stéréotypes. Et donc à la construction d'une identité sexuée. Si le nom de métier ou si le statut n'existe pas au féminin, il est difficile pour les filles de s'y projeter. Bien sûr, au-delà des mots, c'est un travail plus général sur le discours qu'il faut avoir. Qu'on arrête, par exemple, d'évoquer systématiquement le «beau sourire de Ségolène» quand on parle d'une candidate à la présidence.
Pourquoi la parité lexicale n'existe-t-elle pas ?
Pour des raisons idéologiques, essentiellement. Refuser de nommer, c'est refuser de donner une place, de rendre visible. Historiquement, pourtant, le français comportait beaucoup d'équivalences de métiers au féminin : la médecine était une femme médecin. Mais, à mesure que les femmes ont été exclues de certains domaines professionnels, la féminisation des mots a reculé. Le plus choquant, c'est que, souvent, la version féminine des noms de métier existe. Mais l'utiliser serait «impensable»... Les arguments sont toujours les mêmes. Premier d'entre eux : le mot féminin a déjà un autre sens. Un cafetier/une cafetière par exemple. On ne pourrait dire «une rectrice» pour une femme recteur d'université, car la rectrice est une plume de la queue, qui dirige le vol des oisea