Pierre, 45 ans le coeur à gauche, est directeur informatique dans un cabinet d'avocats. Il a trouvé la méthode pour dire ce qu'il pense vraiment de «Nicolas S.» au bureau. «Je me fais passer pour quelqu'un qui vote pour lui. Sur le ton de l'autodérision, j'en profite pour véhiculer tout ce que je veux, sans que l'on me prenne au sérieux», confie-t-il, un brin cynique. Parler politique sur son lieu de travail, à trois mois d'une présidentielle, se révèle plus périlleux que jamais. Car il faut se projeter après le second tour. «Au lendemain du référendum sur la Constitution européenne, les partisans du oui se sont fait accueillir par de belles vannes», se rappelle en souriant Raphaël, chef de projet dans une agence d'architectes et lui-même «ouïste».Pour discuter de la campagne, encore faut-il avoir un minimum de culture commune avec ses voisins de service. Corinne (1), assistante de direction à la BNP-Paribas, votera Ségolène Royal, «parce qu'elle me plaît bien et parce que c'est une femme». Mais échanger ses opinions au bureau, elle n'y pense même pas. «Aucune de mes deux collègues de travail n'a vu le documentaire d'Arte (2) sur la machination qui a mis Le Pen au second tour. Politiquement, elles ne sont informées que par les Guignols, c'est dire le niveau...», regrette cette quadra en rigolant.
Mot d'esprit. En ces temps préélectoraux, mieux vaut donc adopter le mot d'esprit et la franche rigolade en guise d'opinion politique au boulot. C