Jean-Emmanuel Ray, professeur de droit du travail à l'université de Paris-I, est l'auteur de Droit du travail, droit vivant (éditions Liaisons). Il fait le point sur le droit d'expression politique en entreprise.
A-t-on le droit de parler politique en entreprise ?
Depuis 1946, un grand nombre de textes internationaux et français (en particulier la convention européenne des droits de l'homme et la loi du 4 août 1982, sur les libertés du travailleur dans l'entreprise) ont rappelé que, y compris dans l'entreprise, le salarié restait un citoyen bénéficiant de sa liberté d'expression. Un salarié licencié pour ses «opinions politiques» peut obtenir du conseil des prud'hommes sa réintégration ou de substantiels dommages-intérêts. Nous sommes ainsi passés du salarié-citoyen au citoyen-salarié : c'est à l'employeur de prouver que son collaborateur a abusé de sa liberté d'expression (injure, diffamation, atteinte à la vie privée), ou que son militantisme échevelé a créé un trouble caractérisé dans l'entreprise (blocage des systèmes d'information ou d'une chaîne pour prise de parole).
Bémol à cette règle : les entreprises «de tendance» ou «affinitaires» comme les partis politiques, les journaux d'opinion, comme l'Humanité ou la Croix, et autres associations engagées. Si leurs salariés jouissent de leur liberté d'opinion, comme l'a rappelé la Cour de cassation le 28 avril 2006 à propos d'un assistant parlementaire en désaccord politique avec son député, l'expression pu