Une grande esplanade, un peu vide. Des immeubles de bureaux, un petit pont qui enjambe une rivière. Au loin, une cheminée d'usine en brique. Dernier vestige de ce que fut l'usine historique de Michelin à Clermont. Voici «l'usine des Carmes», comme dit André Malet, le directeur des sites clermontois du manufacturier. Usine ? «Oui, dit-il, sourire gêné. On ne produit plus rien ici, il n'y a plus que des cadres, mais on continue à dire usine. Qu'est-ce que vous voulez...» Voilà le paradoxe de Michelin à Clermont résumé en un lapsus. Le groupe continue à employer 13 700 personnes dans le département. Mais là où, il y a trente ans, 80 % étaient des ouvriers de l'industrie, aujourd'hui, deux tiers d'entre elles travaillent dans les «services centraux» ou la recherche.
Ralenti. Cette mutation locale a sans doute été entamée dans les années 70. Mais c'est surtout sous l'impulsion d'Edouard Michelin que le virage a vraiment été pris. Son décès brutal, en mai 2006, n'a pas arrêté le mouvement. Mais quelque chose s'est ralenti, mis en sommeil avec la nomination de Michel Rollier, l'ex-directeur financier, devenu patron du groupe. Et même si chez Michelin on jure que, en dépit du coup dur, de la tristesse due à la disparition du jeune patron, rien n'a changé, le style Rollier commence à inquiéter. «C'est comme si on était reparti au temps du père François, note un cadre. Pour l'instant, rien n'a bougé, c'est vrai. Mais le style tranche.»