Mahala al-Kubra
envoyée spéciale
Des balles de coton éventrées attendent près des machines à l'arrêt. Les portes de fer des ateliers ont été fermées. A l'extérieur, des bâtons tapés contre des bidons rythment, lancinants, l'attente des 27 000 ouvriers de l'usine textile Ghazl el-Mahala. Assis sous les arbres de l'esplanade centrale de l'usine, ils font circuler les journaux, presque incrédules de voir leur combat à la une de toute la presse nationale. L'hiver dernier, furieux de ne pas avoir touché les primes promises par l'Etat en raison des bénéfices dégagés par l'entreprise, les employés de cette gigantesque usine du delta du Nil avaient une première fois déposé les outils.
Une grève massive qui a ouvert la voie à une vague sans précédent de contestation à travers le pays. A leur tour, d'autres usines ont emboîté le pas, suivies par les cheminots, les postiers. Ici des plaintes contre les salaires misérables ou les conditions de travail précaires, là des inquiétudes devant d'éventuelles privatisations prévues dans le cadre de la réforme libérale menée par le Premier ministre Ahmed Nazif. Un mouvement de colère inédit dans un pays où la contestation politique se limite d'ordinaire à une petite élite urbaine, alors que la majorité de la population reste silencieuse et résignée.
Mobilisant des dizaines de milliers de travailleurs, l'ampleur de la grogne sociale a pris de court le gouvernement, qui marche sur des oeufs, cherchant à éviter un violent conflit frontal avec le