Bogny-sur-Meuse (Ardennes)
envoyée spéciale
«Bon week-end !» Le ton est faussement enjoué, le flicage évident. La responsable des ressources humaines d'Hermès International, tailleur-pantalon bleu marine, mocassins chocolat, est montée de Paris à Bogny-sur-Meuse, près de Charleville-Mézières, comme on monte au front. Raide, elle tient la porte de la sortie aux ouvrières, ce vendredi après-midi, à la Maroquinerie des Ardennes. Raison de sa présence ? La crainte qu'un salarié, bravant la chape de silence imposée sous peine de sanction, ne parle à Libération. Le message est passé : la file se presse vers le parking, silencieuse et disciplinée, mais les regards laissent filtrer une touche de moquerie. Les salariés de l'usine modèle, en bordure de la Meuse, ont débrayé la semaine dernière pour soutenir leur directeur, menacé par une procédure de licenciement.
«Mal au coeur». Dans l'univers feutré du luxe, ce conflit est une faute de goût. La direction générale parisienne s'est affolée, a envoyé ses émissaires. «Depuis, nos bouches sont cousues comme nos sacs à main» , lâche un membre du personnel. On évoque des pressions. Parfois avec affolement : «Ce n'est pas la peine de vous présenter, vous vous casserez le nez, et vous risquez de faire des problèmes aux autres.» Un autre : «Si je parle, je risque mon poste.»
On dit surtout la fierté de travailler pour une «belle maison» et l'estime portée au directeur de l'usine. On raconte