On l'a vu avec la condamnation de Total pour «préjudice écologique» suite au naufrage de l'Erika : la question du «prix» des dégâts environnementaux et de la valeur monétaire de la nature devient cruciale. Entretien avec le journaliste et essayiste scientifique Frédéric Denhez¹.
Dans l'affaire de l'Erika, que pensez-vous de la reconnaissance d'un «préjudice écologique» ?
Il est important que la justice ait reconnu une notion pourtant intuitive : le préjudice écologique fera jurisprudence. Les amendes et les dommages et intérêts sont une façon de donner un prix à la nature, mais leur calcul est difficile. Le préjudice écologique du naufrage de l'Erika - à distinguer du préjudice sur l'activité économique, plus facile à calculer - est évalué à quelques centaines de milliers d'euros. C'est très faible mais cela pouvait difficilement être plus car aucune étude sur l'état écologique des plages avant la marée noire n'avait été menée. Pourtant, à l'époque, des chercheurs avaient demandé à réaliser ce travail, mais le ministère de l'Environnement n'avait pas donné son feu vert.
Pourquoi vouloir donner un prix à la nature et ne pas se contenter de la protéger ?
Le prix est le seul signal compris par tous dans toutes les cultures du monde. Mentionner des espèces qui disparaissent, ou des températures en hausse ou en baisse, n'évoque souvent pas grand-chose. En revanche, dire qu'un degré de plus ou de moins coûte quelques points de croiss