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Libération
Reportage

Le pesticide, ce cousin du cavalier mongol

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par Sylvain Tesson
publié le 13 mars 2008 à 2h41
(mis à jour le 13 mars 2008 à 2h41)

Les déjeuners sur l'herbe des années 80. Les guêpes lançaient leurs raids sur les tartines, les colonnes de fourmis, leurs assauts dans les coupelles. C'était presque impossible de se coucher dans l'herbe. Près de trente ans plus tard, forêt de Fontainebleau par un matin de l'hiver 2008 : ambiance à la Ray Bradbury après l'hiver nucléaire. Pas un vrombissement, pas un bruissement. Sur l'allée, un bousier agonise. Une mouche traverse l'air, seule. La forêt ressemble à un sépulcre.

Dieu. Gérard Luquet est un lépidoptériste inquiet. A force de passer sa vie la barbe enfouie dans les herbes, ce professeur du Muséum d'histoire naturelle a remarqué que la vie s'effondrait dans les espaces naturels franciliens. Il y a longtemps que les larves du hanneton ne labourent plus les champs de Beauce. Mais aujourd'hui on est presque en peine de trouver un papillon sur les corolles. En langage scientifique, cela s'appelle «érosion de la biodiversité». Le bassin parisien n'échappe pas à la tendance planétaire : sous la pression des 6,5 milliards d'humains, 2 à 3 espèces vivantes s'éteignent à chaque heure. Le biologiste Edward O. Wilson prédit la disparition de 30 à 40 % des espèces d'ici à 2050. On s'inquiète un peu pour le loup et la baleine.

Demain, à Pau, le tribunal jugera le tueur de l'ours Cannelle. Mais les insectes ? Qui s'inquiète de la partie immergée de l'iceberg ? Saisit-on que ce qui se voit se nourrit de ce qui ne se voit pas ? Ni les sols ni les fleurs