Le petit volet s'entrouvre. Une main furtive tend cinq galettes, puis le vantail se referme dans un claquement. Des grognements s'élèvent de la foule massée dans cette allée du quartier d'Abdine, au coeur du Caire. Devant cette boulangerie qui ne vend que du eish mouda'am, le pain subventionné, certains font la queue depuis l'aube. Autrefois, seuls les plus pauvres achetaient ce pain fait de mauvaise farine, parfois coupée de sciure, tout juste bon à nourrir les volailles élevées sur les toits du Caire. Mais depuis dix mois que le cours international du blé a entamé sa vertigineuse ascension, le prix de la farine a été presque multiplié par trois en Egypte. Et chaque matin, la foule ne cesse de grossir devant les boulangeries subventionnées.
Amortisseur. La pénurie est là. Et avec elle, les rixes, de plus en plus nombreuses, qui ont même fait, la semaine dernière, au moins deux morts et plusieurs blessés. De quoi réveiller le souvenir terrible des émeutes du pain en 1977, qui avaient éclaté alors que le gouvernement s'interrogeait sur la suppression des subventions. Réprimée dans le sang, cette «intifada de la faim» avait fait plus de 70 victimes. Depuis, l'État égyptien a soigneusement maintenu la subvention sur le pain, l'ultime amortisseur social.
Farine, huile, sucre. Déjà en hausse constante depuis plusieurs années, les prix des produits de première nécessité en Egypte ont connu cette année jusqu'à 170 % d'augmentation. Les salaires, eux, n'ont pratiquement pas bou