Envoyée spéciale à Sailly-lez-Cambrai «On nous traitait de pollueurs, maintenant on nous traite d'affameurs.» Il montre un champ et ses pousses minuscules. Joli soleil, un peu de vent. C'est un homme mince à l'allure de châtelain plus que de paysan, les mains plus vieilles que son âge. Sur le chemin qui sépare ses cultures de betteraves et de pommes de terre, Xavier Laude, 48 ans, agriculteur à Sailly-lez-Cambrai (Nord), parle sans colère apparente. Mais il est blessé par la phrase de Jean Ziegler, ex-rapporteur de l'ONU sur le droit à l'alimentation, qui qualifiait le mois dernier, en pleine crise alimentaire, la production d'agrocarburants de «crime contre l'humanité».«Ça fait mal au ventre, souffle-t-il. Notre métier c'est quand même de nourrir.»
«Débouché». Sur les 230 hectares de terre d'une ancienne ferme d'abbaye qu'il tient avec ses trois frères, un peu plus de la moitié est consacrée à la betterave et au blé, le reste à la pomme de terre et au colza. La part des agrocarburants dans ses surfaces cultivées : environ 8 %. Cet ingénieur, diplômé de l'Institut supérieur d'agriculture de Lille, a démarré les agrocarburants en 1992, «assez convaincu du bien fondé de la chose», même s'il sait qu'on ne pourra pas remplacer tout le pétrole : «L'éolien, le solaire et les biocarburants, mis bout à bout, ça fait déjà quelque chose.»
Et puis, il y avait ses terres en jachère, sur lesquelles il avait le droit de faire pousser un produit non-