Sur le sujet, il y a eu des dizaines de livres en moins de deux ans. Mais parmi les ouvrages sur le stress et la souffrance au travail, il y en a un qui, depuis deux mois, fait beaucoup parler de lui. Il dit par exemple ceci. «Hier, paraît-il, un gars s'est fait coincer et sectionner un doigt de la main gauche par une machine.» Un «hier» qui remonte en fait à 1972.
«Kaisen». Toyota, l'usine du désespoir (1) a été écrit par un Japonais, alors infiltré pour un contrat de six mois dans une usine Toyota comme ouvrier temporaire. Le livre de Satoshi Kamata est mécanique. Répétitif. Chapitre après chapitre, il égrène les cadences, les accidents du travail. Mais aujourd'hui encore, journaliste et sociologue parlent de ce livre comme d'un texte dont on tire des enseignements bien présents. Et c'est le toyotisme, cette méthode installée à Toyota au Japon dans les années 40 et 50 largement exportée dans le monde et fondée sur le kaisen (l'amélioration continue), qui est suspectée d'être l'un des terreaux de cette souffrance au travail dont on parle tant aujourd'hui. «Là où le toyotisme a fait plus fort que le fordisme, c'est que Ford ne mobilisait que les bras. Chez Toyota, à chaque minute du process de productivité, l'ouvrier se demande comment améliorer sa production», analyse le sociologue Paul Jobin, qui a signé la préface de la nouvelle édition. Impliqué, l'ouvrier de l'ère du toyotisme serait donc beaucoup plus susceptible d'être victime du stress.