«Ces chiens, là, les blanc et noir, ça court derrière les bagnoles. C'est la race qui veut ça.» Le facteur de montagne Yves Desdoits, trente-huit ans de service, n'a pourtant peur ni des molosses de cours de ferme sur les pentes de Rogalle, ni des roquets qui gardent le gazon des villas de Vic d'Oust. «Je les regarde dans les yeux, ils ne me mordent pas.»
Il assure des demi-tours acrobatiques sur les chemins de terre et de pierres qui montent à Ségouge. Il rabat son rétroviseur pour approcher au plus près des boîtes aux lettres. Ce pilote est un as du Kangoo du centre de courrier de Seix. «C'est l'habitude», dit-il. Il est arrivé dans les Pyrénées ariégeoises il y a treize ans. Auparavant, il était Normand. Yves Desdoits est un enfant de la Manche, de Saint-Lô précisément. Les boucles blanches et rousses de sa barbe et de sa chevelure lui donnent un air d'astrophysicien de la Poste. Un Hubert Reeves du courrier en montagne.
Il embrasse comme du bon pain la secrétaire CGT de la mairie, au Hameau de Saint-Sernin. Il écoute patiemment le récit des aventures passées en temps de neige de Raymonde la factrice, à Soulan. Il rassure l'usagère qui s'inquiète à Ardichen du colis qu'elle a posté voilà deux jours. «C'est ça, la proximité, dit-il. Cette dame était sûre que je serais là ce matin pour me poser sa question. Elle est sous oxygène, elle ne peut pas faire deux mètres sans son attirail.»
Il est heureux, tranquillement heureux. Yves Desdoits semble tout