André Orléan est directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS. Il a toujours mis en garde contre l’instabilité des marchés financiers (1).
Comment expliquer l’ampleur des mouvements de yo-yo des places financières ?
Cette instabilité traduit l’incertitude radicale des investisseurs sur le futur. L’opinion du marché ne parvient pas à se structurer durablement. Aucune convention n’émerge, capable de stabiliser à long terme l’évolution des cours boursiers. Dans ces conditions, n’importe quelle information peut soudainement faire basculer l’opinion dominante de l’optimisme au pessimisme, et inversement.
Cette crise, prévisible, n’a pu être empêchée. Pourquoi ?
En raison de l'aveuglement face au désastre. Pourtant, les financiers savent bien que les emballements spéculatifs finissent mal. Ils ont même un proverbe pour inviter à la prudence : «Les arbres ne montent pas au ciel.» En période d'euphorie, les profits de la bulle obscurcissent le jugement collectif et font oublier la prudence. Sur un marché, le fait de gagner de l'argent est interprété comme un signe d'intelligence. Plus on en gagne, plus on est supposé être intelligent. Aucune force critique ne vient réguler l'emballement haussier.
Et les voix discordantes ?
Si elles s'expriment, elles sont ostracisées. Edouard Tréteau, un analyste financier (2), raconte qu'au moment où il hésite à faire une analyse critique sur un titre adulé, on lui dit : «Si tu as tort, tu peux te chercher un boulot. Et si tu as raison, n'attend nulle reconnaissance.» En finance, les forces du conformisme sont toutes-puissantes. Les incitations à dire une vérité qui dérange sont