Loin du cliché d'un guichet d'où pleut le cash, le paradis fiscal a d'autres visages. A Jersey, où se brassent, entre trusts, fiducies et comptes privés, 1 000 milliards d'euros, la manne reste invisible pour une partie de la population. Qui, le vent tournant, s'alarme de l'avenir. «Une petite élite a mis tous ses œufs dans le même panier», dit Rosemary Pestana. Syndicaliste, cet agent des services hospitaliers raconte le quotidien de certains des 91 000 habitants. «50 % de la population vit avec un salaire quasi minimum, 8 000 personnes touchent l'équivalent d'un RMI. Et on ne peut pas travailler dans l'Union européenne.» Elle dit aussi : «Je suis prisonnière sur mon île.»
Membre d'Attac-Jersey, elle est la seule syndicaliste à la tribune d'une réunion d'information initiée par des ONG européennes (Libé de vendredi). Une minorité silencieuse s'inquiète. Dénonce la TVA de 3 % quand les sociétés étrangères jouissent d'une imposition zéro. Fustige le tourisme en chute, l'agriculture en perdition, les prix exorbitants des soins. Et la stigmatisation dont ils sont victimes. «On ne profite de rien, et on nous traite de bandits», enrage John, un instituteur. Un agriculteur, Maurice, souffle : «On a peur de parler. On a tous des proches qui vivent de la finance.» Un mécanicien, Alan, assure : «On vit dans une sorte de minidictature. Dans cette île- mafia, l'intimidation est réelle, si on l'ouvre, on est boyc