Philosophe et essayiste, Patrick Viveret est notamment l'auteur de Pourquoi ça ne va pas plus mal ? (Fayard).
On parle beaucoup de morale, d’éthique lorsque sont évoquées les rémunérations des patrons…
Dans son essai sur la monnaie, l'économiste John Maynard Keynes écrivait : «L'homme d'affaires n'est tolérable qu'aussi longtemps que ses gains peuvent être considérés comme ayant un certain rapport avec ce qui correspond grossièrement à l'utilité de ses activités pour la société.» C'est là une définition indicative de ce qui peut être considéré comme un seuil de tolérance. Le débat montre que l'argent, c'est du temps de vie. Et on ne peut justifier que des personnes se retrouvent avec des revenus annuels qui excèdent plusieurs fois les besoins nécessaires à leur temps de vie. Consciemment ou pas, le débat actuel renvoie à cette démesure.
Il y aurait plus de démesure aujourd’hui ?
Des termes comme «indécence» ou «intolérabilité» apparaissent justement quand nous sommes dans des situations de démesure. C’est le couplage de la démesure et de l’injustice qui finit par être explosif. Lorsque des millions de personnes sont massivement frappées par le chômage et qu’une crise se déclenche au point qu’on se demande s’il faut remettre en cause le système, alors tout devient explosif.
Mais la question de la remise en cause du système se posait bien avant la crise ?
Bien sûr. On peut même remonter à Aristote ou Montesquieu pour trouver des considérations sur les dérives de l’argent… Ces philosophes nous ont expliqué que la substance même du vivre-ensemble d’une société se trouve atteinte quand existent des inégalités trop importantes. Mais aussi lorsque la lucrativité devient le principal