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Interview

« Faire moins de morale et plus de politique»

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André Comte-Sponville : Philosophe, membre du Comité consultatif national d’éthique
publié le 2 avril 2009 à 6h51
(mis à jour le 2 avril 2009 à 6h51)

«Le monde idéal ? Ce n’est pas ça qu’il faut attendre du G20 ! Parce que nos dirigeants manquent de générosité ? Ils en manquent sans doute (nous en manquons tous), mais là n’est pas la question. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’idéal, par définition, ne peut pas exister. C’est ce qui rend toute utopie impuissante ou mortifère.

«J'entends autour de moi des propos ahurissants : "J'espère qu'avec cette crise les gens vont enfin cesser d'être égoïstes, qu'on va revenir à davantage de générosité, de justice, de désintéressement !" Revenir ? Vous croyez qu'au XIXe siècle, les gens étaient moins égoïstes ? Relisez Balzac et Zola. Et au XVIIe siècle ? Relisez La Rochefoucauld ou Pascal. Vous croyez que la société était plus juste au Moyen Age ? Lisez les historiens ! Plus généreuse dans l'Antiquité ? Lisez Epicure ou Lucrèce ! L'égoïsme est le contraire d'une idée neuve. Au fond, c'est l'une des rares choses sur laquelle Adam Smith et Karl Marx s'accordent : ce n'est pas la morale qui meut les individus, mais leur intérêt personnel ou familial. C'est d'ailleurs ce qui fait la force du capitalisme : il fonctionne à l'égoïsme ; pas étonnant qu'il fonctionne si fort !

«Mais c’est aussi ce qui le rend moralement et socialement insatisfaisant : l’égoïsme n’a jamais suffi à faire une civilisation, ni même une société qui soit humainement acceptable. Il faut donc autre chose. De la morale ? Certes, pour les individus. Mais, à l’échelle de la planète, la m