Emmanuelle Boussard-Verrecchia est avocate spécialisée en droit du travail. Elle vient de faire annuler, avec la CGT qu’elle conseillait, des élections professionnelles d’Airbus Toulouse, sous prétexte que les nombreux sous-traitants du site n’avaient pas été autorisés à voter. Pour elle, le risque du prêt de salariés est le même que celui de la sous-traitance : l’isolement et la fragilisation du salarié.
Pourquoi êtes-vous très critique vis-à-vis du prêt de salariés ?
Ce mécanisme est tout à fait représentatif de ces nouvelles formes d’organisations du travail qu’on légitime pour des raisons économiques - qui peuvent être bien réelles par ailleurs. Mais on ne s’occupe pas des conséquences qu’elles peuvent avoir sur le monde du travail.
Lesquelles ?
Au niveau de l’individu tout d’abord. Le salarié «prêté» se retrouve face à deux «employeurs». Celui de son entreprise d’origine, à laquelle il est toujours lié par son contrat de travail, et celui de l’entreprise qui l’accueille et dont il doit respecter les ordres. Dépendre hiérarchiquement de quelqu’un qui n’est pas son employeur peut être un gros facteur de stress. Le salarié «prêté» peut aussi ressentir des difficultés d’implantation, ne pas retrouver la cohésion d’un collectif de travail, ne pas être représenté syndicalement, vu qu’il n’appartient pas à l’effectif régulier… A un niveau plus général, on enlève les salariés à leur collectivité de travail pour les plonger dans de multiples collectivités temporaires. Il y a une déconnexion : l’employeur n’est plus celui qui bénéficie du travail de son sala