Pierre-Yves Geoffard est directeur de recherche au CNRS et professeur à la Paris School of Economics (PSE). Il souligne les limites d’un exercice de comparaison entre profits et salaires, qui ne prend pas en compte l’ensemble des revenus des ménages.
Le rapport Cotis montre que les salaires, qui représentaient les trois quarts de la valeur ajoutée au début des années 80, sont revenus à leur niveau des années 50, soit environ les deux tiers. Quelle conclusion en tirez-vous ?
J’observe surtout que les décisions politiques n’ont que des effets à court terme. Les accords de Grenelle de 1968 ont favorisé les salaires jusqu’en 1982. Puis la suppression des mécanismes d’indexation des salaires sur les prix a fait retomber ce partage de la valeur ajoutée à son niveau antérieur. Quoi qu’il en soit, ce calcul, qui ne prend en compte que les salaires individuels, ne reflète pas l’évolution des inégalités de revenus des ménages.
Les inégalités de revenus sont-elles plus fortes que celles des salaires ?
Bien entendu. L'intérim, les contrats à durée déterminée et tous les emplois précaires sont beaucoup plus nombreux au bas de l'échelle, où les salariés alternent période d'emploi et de chômage. A l'autre extrême, les 10 % de plus hauts revenus marquent un écart beaucoup plus fort, puisque la part de revenus non salariaux [c'est-à-dire issus d'un patrimoine immobilier ou d'un portefeuille d'actifs financiers, ndlr] est nettement plus importante chez les cadres dirigeants que chez les autres catégories de salariés.
Et si l’on raisonne en termes de ménages, et non plus de salaires individuels, les inégalités sont non seulement plus fortes mais se sont également creusées, surtout entre le milieu et le haut de l’échelle. Les riches ayant tendance à se marier entre eux, l’écart réel en