C’est l’histoire d’une des plus invraisemblables promotions du capitalisme français. Inconnu du grand public, Luc Vigneron, 54 ans, travaillait dans l’ombre depuis dix ans à la restructuration laborieuse des anciens arsenaux terrestres français (rebaptisés Giat Industries, puis Nexter), quand l’Etat, son autorité de tutelle, a décidé de le propulser à la tête de Thales, leader européen de l’électronique civile et militaire. Cette opération, qui devrait être officialisée d’ici à l’assemblée générale des actionnaires de Thales, le 19 mai, fera passer ce polytechnicien d’une société franco-française d’environ 600 millions d’euros de chiffre d’affaires à un géant mondialisé de 12 milliards de chiffre d’affaires. On pourrait croire à un conte de fées, c’est en réalité l’épilogue d’un thriller politico-industriel comme seul le milieu de la défense en a le secret. Retour sur six mois de bataille en coulisses.
Ordre. Tout a commencé début décembre. Actionnaire historique de Thales, l'Etat a poussé Dassault, quelques mois plus tôt, à reprendre la part d'Alcatel (20,8 %) dans le groupe électronique. Vu sa situation financière catastrophique, l'équipementier télécoms n'avait pas d'autre choix que celui de vendre. Premier acte d'autoritarisme, l'Etat - en l'occurrence l'Elysée - intime l'ordre à EADS, qui lorgnait l'affaire depuis de nombreuses années, de rester en dehors du coup. Les discussions se tiendront donc entre deux personnes : Nicolas Sarkozy et Serge Dassault