Ex-patron du FMI, Michel Camdessus est membre de l’Africa Progress Panel, créé par Tony Blair pour suivre les engagements du G8 après le sommet de Gleneagles en 2005. Alors que la Banque mondiale a prédit hier une croissance en chute libre en Afrique (1 % en 2009), il revient sur l’impact de la crise sur le continent.
L’Afrique doit faire face à un repli spectaculaire des flux financiers (recettes intérieures, investissements étrangers, aide publique ou privée). Avait-on sous-estimé l’impact de la crise ?
Oui. Au début de l’année, on pensait que l’Afrique subsaharienne, qui n’avait pas de produits toxiques dans ses banques, serait épargnée. Naïveté. Exportatrice de matières premières, l’Afrique est dépendante du reste du monde. Elle incarnait une nouvelle frontière pour les investissements des Bric (Brésil, Russie, Inde, Chine). Elle bénéficiait aussi d’un retour de l’argent des migrants, 40 milliards de dollars. La perte d’exportation s’élève, elle, à 250 milliards de dollars. L’aide publique au développement, comme les donations philanthropiques sont menacées.
L’Afrique est-elle une variable d’ajustement ? On conditionne les investissements à une bonne gouvernance, et dès que la conjoncture se retourne, l’argent fuit…
L’Afrique est le continent le moins responsable de la crise financière ou climatique, mais le plus touché. On doit tirer la sonnette d’alarme. Un décollage historique est menacé. Ce n’est pas le moment de baisser les armes contre la fuite des capitaux - une perte annuelle de 150 milliards de dollars par an ; soit 50 % des revenus fiscaux. Une évasion plus facile à combattre en phase d’expansion et de croissance que dans un contexte de crise et de sauve-qui-peut. Ce n’est pas le moment d’abandonner des programmes de base (eau, santé, éducation), vitaux. Ce n’est pas le moment, non plus, de délaisser la lutt