«La dernière, c'était il y a trois ans. C'était la troisième restructuration ? Ou la quatrième? Je ne compte même plus, on est un peu blasé ici.» Elle rit doucement, Véronique (1), 45 ans, embauchée chez Alcatel-Lucent il y a dix ans. Depuis, les plans de départs volontaires et les restructurations se sont enchaînés. Elle raconte : «Les prestataires partent d'abord, puis les salariés qui passent "au guichet"… et la charge de travail augmente. Trois cents personnes travaillaient dans l'unité, une dizaine est restée. Le reste de l'activité est partie au Maghreb. A chaque fois, les projets sont arrêtés, le savoir s'en va, ça me déprime. Ce qu'ils ne comprennent pas [la direction, ndlr], c'est que quand ils virent les 55 ans, c'est des compétences qu'on perd. C'est frustrant : le travail et les collègues partent, et nous, nous avons l'impression de devoir toujours recommencer.»
On parle rarement d'eux car ce ne sont pas les plus à plaindre : après tout, ils ont gardé leur boulot. Pourtant, depuis que les restructurations sont devenues dans de grands groupes un outil de gestion quasi-permanent - et maintenant que les licenciements touchent toutes les catégories d'entreprises -, ils représentent une bonne partie des salariés. Ceux qui restent après un plan social et qu'on appelle parfois les «rescapés». Pour certains observateurs, il ne s'agit que d'un «problème de riches» : «Dans toutes les restructurations que j'ai accompagnées, les gens qui restaient étaie