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Libération

«Ça peut pas disparaître, ça»

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Syndicaliste depuis trente ans, Guy Pavan a l’histoire de Molex chevillée au corps :
publié le 21 juillet 2009 à 6h52

«Viens ! Ça t'intéresse peut-être pas, mais il te faut voir.» Il tend son bras vers les immeubles de la «cité des champs de maïs» qui se dessinent au bout de l'usine. «J'y habitais, au troisième étage, avant.» Il a une drôle d'allure, Guy Pavan, avec son short, ses cheveux en queue de cheval et une blouse Molex enfilée sur des épaules voûtées. Un drôle de regard, aussi, empli de nostalgie et de regrets quand il raconte Molex. Qu'il parle de ces «ouvriers [qui] apprenaient alors le boulot aux jeunes». Un énorme sanglot, enfin, qui l'étouffe. «Ça peut pas disparaître, ça. Ça peut pas disparaître.» Ça peut. Il ne le sait que trop.

Délégué du personnel, délégué CGT auprès du comité d'entreprise, Guy Pavan avait 20 ans en 1976. Il est alors embauché aux ateliers de moulage. «C'était le Moyen-Age, ces ateliers. En y entrant, j'ai tout de suite demandé s'il y avait un délégué syndical.» Trois ans plus tard, le délégué, c'était lui.

«Collectivement». Il faut dire que le jeune homme avait déjà quelque expérience. «J'ai commencé à 17 ans dans une boîte à Mulhouse où les délégués te foutaient une baffe si tu ne faisais pas grève. On faisait grève un peu pour n'importe quoi. La première grève raisonnée que j'ai faite, ça a été plus tard, à l'armée.» Il se souvient de l'agrégé d'histoire qui leur avait appris que les punitions collectives n'y existaient pas. «Alors, c'est collectivement qu'on faisait nos conneries»,