Coupable, forcément coupable. C'est le sentiment qui ressort à la lecture de l'ordonnance de renvoi devant un tribunal correctionnel de Jérôme Kerviel. Rédigé par Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset, ce document de 75 pages, que Libération a pu consulter, se conclut par une triple mise en accusation : l'ex-trader de la Société générale sera jugé pour «intrusion frauduleuse de données dans un système informatique», «abus de confiance» et «faux et usage de faux».
Goût. Mais la lecture complète de la vision de l'affaire par ses deux magistrats instructeurs laisse un goût d'inachevé. Alors qu'on attendait un réquisitoire solide et argumenté, l'ordonnance ne répond pas vraiment aux questions que l'affaire pose.
Ainsi, ne saura-t-on pas quel était le degré de connaissance des opérations de Kerviel par la hiérarchie et les services de contrôle de la banque. Ni pourquoi, pendant des mois, on l'a laissé faire. Sur plusieurs dizaines de pages, les juges décrivent en détails les dizaines d'alertes générées par les positions de l'ex-trader. Ils citent plusieurs personnes reconnaissant que le comportement de Kerviel n'était pas normal et qu'il était typique de quelqu'un qui cherchait à cacher du résultat. Que ses explications n'avaient pas grand sens et n'auraient dû abuser personne aussi longtemps. Mais, à l'arrivée, leur conclusion est que tout s'explique parce que Kerviel a menti. «Ce sont ces mensonges réitérés qui ont mis en échec les contrôles»,