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Libération

«Des politiques devenus muets»

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par Paul Jorion, Sociologue et anthropologue
publié le 14 septembre 2009 à 0h00

Diplômé en sociologie et en anthropologie sociale, Paul Jorion est docteur en sciences sociales de l’Université libre de Bruxelles.

«Un certain nombre de choses ont changé depuis le 15 septembre 2008. La plus importante est la conviction des milieux financiers que les choses devraient nécessairement évoluer : très forte au lendemain de la chute de Lehman Brothers, elle s’est évaporée depuis.

«Le degré de dissimulation dans les bilans comptables des entreprises a changé aussi (de modéré, il est devenu massif grâce à l’assouplissement des règles comptables) tout comme le risque pris par les établissements financiers. Pour ces derniers, en tout cas ceux qui sont toujours en vie, le risque a considérablement augmenté. Les paradis fiscaux ont changé de nature : conçus initialement pour les particuliers, ils sont aujourd’hui l’apanage des sociétés, et sous le regard bienveillant du concert des nations.

«La visibilité des traders est tout autre : de héros du capitalisme triomphant, ils sont devenus ses victimes sacrificielles ; leur sang répandu sur les marches de la Bourse garantira la reprise. Les chiffres économiques ont perdu beaucoup de leur panache : trop pessimistes, on leur préfère de loin le sentiment des économistes. Lesquels ont eux aussi beaucoup changé : avant la chute de Lehman Brothers, les hétérodoxes avaient davantage tort que les orthodoxes ; c’est désormais le contraire.

«La langue elle-même a évolué : les déficits calamiteux des Etats se chiffraient