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Libération
Interview

«Notre confiance dans les marchés nous aveugle»

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Joseph Stiglitz remet en cause les indicateurs traditionnels de l’économie :
Joseph Stiglitz, prix Nobel d'économie en 2001, ici à Davos en janvier 2009. (Pascal Lauener / Reuters)
publié le 15 septembre 2009 à 0h00

De l'urgence à reconsidérer le calcul de la richesse d'une nation à celle de repenser la réforme du système capitaliste, l'économiste américain, Joseph Stiglitz, se confie à Libération.

Les indicateurs alternatifs sur le calcul de la richesse pullulent. En quoi le rapport de la commission que vous avez présidée change la donne ?

Il montre que s’en remettre au produit intérieur brut (PIB) comme unique indicateur de la richesse conduit à l’impasse. Créé pour calculer l’activité des marchés, le PIB a malheureusement été davantage utilisé pour étalonner la mesure du bien-être ou de la qualité de vie. Dans une société où la performance règne, ce seul chiffre statistique a plus d’influence que tous les autres. Or, on doit démocratiser les mesures statistiques en intégrant des mesures subjectives (qualité de l’environnement, sécurité personnelle ou économique, habitat, etc.).

Peut-on mesurer le bonheur dans une société ?

Il y a des aspects du bonheur qu’on ne peut ignorer, et d’autres que l’on doit prendre en compte. Des études sur le bonheur disent, par exemple, que le fait de se retrouver au chômage a un impact plus sérieux sur le bien-être qu’une baisse de revenus. Or, selon les standards économiques classiques, si vous êtes au chômage et indemnisés, vous devriez être heureux puisque vous avez du temps libre ! Or, c’est déprimant. On le sait, intuitivement, sociologiquement. Il faut juste l’intégrer dans les politiques publiques, notamment en période de récession, ce que l’on s’est toujours gardé de faire. Autre exemple, on peut se pencher aussi sur le réseau social, et voir la façon dont on organise notre économie, comment elle influe sur notre solitude ou,