Ils sont alignés en ordre de bataille. Trois cents tracteurs attelés à des tonnes-à-lisier. A 15 h 15, un coup de cornemuse sonne le début des hostilités. Les moteurs vrombrissent, les roues se mettent en mouvement. Des centaines d’agriculteurs tapissent alors le champ de lait, dans la bourgade de Tanis (Manche), face au mont Saint-Michel. En dix minutes, près de 3 millions de litres auront été déversés dans la plus grosse opération d’épandage depuis le début de la grève du lait, le 10 septembre, à l’appel de l’Association des producteurs de lait indépendants (Apli).
Aux abords du champ, les agriculteurs observent le sol, encore blanc de lait. D’autres se sont hissés sur les «tonnes» pour ne rien rater de l’opération. Ils sont venus en nombre témoigner de leur détresse. Des conjoints, des amis, des voisins. Dans toutes les conversations, les mêmes craintes : l’effondrement du prix du lait, la dérégulation du secteur décidée par l’Union européenne, les ventes à des prix inférieurs aux coûts de production.
sacerdoce. «Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour se faire entendre, déplore Pascal Massol, président de l'Apli. Si on fait des choses pas tolérables, c'est qu'on nous fait subir des choses pas tolérables. Epandre le lait, ce n'est pas de gaieté de cœur.» «Ouvrir les vannes des tonnes-à-lisier, c'est comme s'ouvrir les veines», ajoute un agriculteur. La production de lait : un vrai sacerdoce à leurs yeux.
«On essaie de sauver notre peau.