Bien avant la crise des subprimes, Paul Jorion, anthropologue, sociologue, économiste et spécialiste des sciences cognitives, a été l’un des rares observateurs à prévoir précisément les causes et les effets des déséquilibres financiers des Etats-Unis et du reste du monde.
Etes-vous de ceux qui estiment que la spéculation est repartie comme si rien ne s’était produit il y a un peu plus d’un an ?
Très peu de mesures dignes de ce nom ont été prises depuis la crise des subprimes et les faillites en cascade des banques de Wall Street et d’AIG, la plus grande compagnie d’assurance. La spéculation reste l’activité dominante dans toutes les salles de marché du monde. Bien sûr, elle ne porte plus nécessairement sur les mêmes produits qu’hier : beaucoup ont disparu, en particulier les produits financiers ultra-sophistiqués pour lesquels il n’existe plus de marché. Les chiffres mirobolants que les établissements de Wall Street nous présentent résultent en grande partie du fait que la part de marché des rares survivants a été multipliée par trois ou quatre. Ils se retrouvent avec de l’argent liquide dont ils ne savent pas trop quoi faire : ils se ruent sur les marchés actions, sur les matières premières… sans que ces achats soient justifiés par une embellie de l’économie réelle.
Vous dites rien n’a changé, n’est-ce pas provocateur ?
Je dis simplement que ceux qui dirigent le monde ont dit au lendemain de l’explosion financière : «Plus jamais ça.» Et pourtant, leur première décision a été de tenter de relancer l’économie en relançant le crédit, alors que le monde s’écroulait justement à cause d’un surendettement. Cette situation perdure depuis trente ans, depuis que