L'économiste Daniel Cohen, professeur à l'Ecole normale supérieure, auteur notamment de Trois leçons sur la politique postindustrielle (le Seuil), explique à Libération pourquoi la crise actuelle ne va pas chambouler la pensée économique mais appelle à revoir complètement la formation des dirigeants économiques.
La crise a-t-elle montré des failles dans la formation des responsables économiques, banquiers et autres managers?
Cela ne fait aucun doute. Depuis une vingtaine d'années, dans les business schools, on enseigne l'art du management par le stress, ce qui est catastrophique. Ces écoles forment des managers dans les ressources humaines qui ensuite font tout pour rendre les gens malheureux. Elles enseignent aux futurs patrons l'art de négocier leurs salaires, ce qui crée ensuite un climat pourri dans les entreprises. Prenez quelqu'un qui travaille dans une tour et qui sait que son patron, au 23e étage, gagne 300 fois plus que lui. Cela vide le travail de son sens. Il y a là une vraie révolution à faire. Il faut trouver la façon d'enseigner les rapports d'un manager avec ses subordonnés.
Et pour les traders et les cadres dans la finance qui sont souvent de grands matheux ?
Dans les départements de finance, on apprend par le biais des maths à utiliser des modèles et des techniques. Ces modèles sont vrais mais ils ne peuvent penser le problème suivant: si tout le monde vend au même moment le même produit… C’est une vraie faiblesse de ces techniques financières que les traders apprennent. Il faut remettre tout cela à plat. C’est la différence entre les sciences de la nature et les sciences sociales. Les lois de la nature sont à peu près immuables,