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Libération
Interview

«Cette fixation des marchés est irrationnelle»

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Charles Wyplosz, économiste, décortique les mécanismes de la crise actuelle :
par Jean Quatremer, BRUXELLES (UE), de notre correspondant
publié le 11 février 2010 à 0h00

Charles Wyplosz, professeur d’économie à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, décrypte la crise financière actuelle.

L’inquiétude des marchés à l’égard de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne est-elle justifiée ?

Il n’y a aucune raison pour que ces pays suscitent une particulière inquiétude des marchés, car tous les Etats, absolument tous, ont fait exploser leur déficit public afin d’empêcher une grande dépression. Il faut donc rester calme, la situation actuelle des finances publiques étant à la fois normale et prévisible depuis l’éclatement de la crise. Le déficit de la Grèce est certes important, mais pas plus que celui de la Grande-Bretagne ou des États-Unis. Sa dette est certes élevée, mais moitié moins que celle du Japon. Donc cette fixation des marchés sur la Grèce, le Portugal ou l’Espagne est irrationnelle, un irrationnel auquel les marchés nous ont habitués.

Les mensonges de la Grèce sur l’ampleur de ses déficits n’ont-ils pas contribué à la fébrilité des marchés ?

Lorsque la Grèce a révélé en 2004 avoir menti depuis 2000 sur l’ampleur de ses déficits, les marchés n’ont pas bougé. En quoi le mensonge de 2009 serait-il plus grave que celui de 2004 ?

Alors, comment expliquer les attaques contre la Grèce ?

Les marchés, pour des raisons étranges, se fixent sur un problème particulier, et commencent à se monter la tête : il faut bien voir qu’ils vivent dans le monde de la rumeur. Deux mécanismes se mettent en place : d’abord, ils cèdent à la panique et cherchent à se protéger, dans le cas présent contre une cessation de paiement du gouvernement grec. Ensuite, dès qu’ils se sont mis à l’abri, ils essayent de gagner de l’argent en prenant des positions sur un accident de la dette grecque, voir