En écho au premier grand procès pénal de l'amiante, qui se tient à Turin et oppose deux ex-patrons d'Eternit, la multinationale leader du fibrociment, à quelque 6 000 parties civiles italiennes, c'est la multinationale des victimes qui s'est incarnée mardi dans la capitale piémontaise. A l'initiative de Ban Asbestos, le réseau mondial pour l'interdiction de la fibre assassine, un colloque a réuni des représentants des associations de victimes venus d'Europe, mais aussi d'Amérique latine et d'Asie. Au fil de ces témoignages s'est dessinée une même stratégie, appliquée par le groupe Eternit depuis le début du XXe siècle - lorsque le procédé d'amiante-ciment a été breveté - de Turin à Lima, de Brest à Tokyo, de Bruxelles à Albi… Une stratégie que les cinq ans de l'instruction menée par le procureur de Turin, Raffaele Guariniello, lui ont permis de décrypter et qui sera la clé de voûte de l'accusation. Annie Thébaud-Mony, porte-parole de Ban Asbestos France, dénonce une «terrible détermination à construire le profit au prix de milliers de vies», malgré la connaissance que les industriels avaient des risques mortels, établis depuis 1931. Industriels qui continuent de sévir dans les pays en voie de développement.
Les risques masqués
Partout, on a soigneusement caché aux ouvriers les dangers auxquels ils étaient exposés. La famille d'Eric Jonckheere vivait ainsi à une trentaine de kilomètres de Bruxelles, à Kapelle, entre deux usines Eternit. Enfa