Quelles affinités électives entretient Bruno Le Maire, ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation avec le thon rouge ? Le roman de Goethe est posé sur son bureau, rue de Varenne, comme une bouée sage et romantique qui nous rappelle que la vraie vie est ailleurs. Une semaine après le rejet, à la conférence de Doha (Qatar), de la proposition européenne d’interdire le commerce mondial de cette espèce menacée, il convient de tirer avec l’un des ministres les plus philosophes du gouvernement la leçon de ce nouvel échec de l’écologie diplomatique.
Le ministère de l’Agriculture est une remarquable caisse de résonance permettant de comprendre le déchirement très français entre la tentation du local et de l’universel, entre nos origines paysannes et notre appétit de mondialisation.
Mythologie. Le bureau du ministre a changé depuis le passage d'Henri Queuille sous la IIIe République et de Jacques Chirac, sous la Ve. Il est à l'image de cette France empêtrée dans la glaise de son histoire, de sa prétendue identité et sa tentation de s'ébrouer dans les vagues de la modernité. Elancé comme Villepin, dont il fut le directeur de cabinet à Matignon, grisonnant et calme comme Michel Barnier, littéraire comme Gaymard, deux hommes qui furent parmi ses prédécesseurs rue de Varenne, Bruno Le Maire, bientôt 41 ans, déploie sa silhouette élastique dans un fauteuil design, preuve de la volonté de modernisation de ce ministère et face à une tapis