«On est licenciées mais tout va bien.» Ce sont les premières paroles du film. Les copines autour de Nadine rigolent. Rire nerveux entre deux clopes sous l'auvent, peu de temps après avoir appris la fermeture de leur usine. Rire jaune, comme un coup soudain qui n'a pas encore libéré sa douleur, mais qui bientôt va laisser place à un vrai chagrin. Un an après, les larmes ont séché. Les filles sont pimpantes, bavardes, presque joviales. Heureuses de se retrouver dans cette «salle pour tous» prêtée par la mairie, des mois après le drame.
Bourgade de La Gorgue (Nord), mardi 16 mars : sur la centaine d'anciens salariés de la Confection de l'Alloeu, entreprise de textile fermée à la hussarde en mars 2009, une trentaine a choisi de se retrouver pour la projection d'un documentaire réalisé pendant le plan social. Prête-moi ta caméra, mon usine ferme, un film touchant, dont les images ont été tournées par les ouvrières elles-mêmes, encadrées par la réalisatrice Stéphanie Hammou qui leur a confié ce que plusieurs ont considéré, à l'époque, comme leur seule arme : un caméscope numérique. Un outil pour des ouvrières désarmées, abattues par la violence de la fermeture d'une usine où beaucoup ont passé plusieurs dizaines d'années. Mais une arme malheureusement dérisoire, au vu de leur situation actuelle.
«On est licenciées mais tout va bien.»Dans la salle de projection, c'est à nouveau la rigolade. Nadine est drôle avec son accent du Nord et son physique généreux,