Rendez-vous gare de Torcy, en Seine-et-Marne. Marcel Paquet, 54 ans, y prend son service tous les jours. Il est l'un des 523 conducteurs opérant sur la ligne A du RER. Une ligne vieille de plus d'un demi-siècle, où 218 trains traversent sept départements franciliens sur 76 kilomètres, avec près d'un million de voyageurs à leur bord, quotidiennement. Ce jeudi en début d'après-midi, la RATP annonce une «avarie aux installations fixes à Gare de Lyon», dans le centre de Paris. Plusieurs trains sont retardés. A Torcy, dans la salle des conducteurs, on avale du café, on se fait frire une saucisse, on évoque un préavis de grève, et on se prépare à prendre le rail. Et en passant, on nous lance : «Ah, vous êtes journaliste ? Vous êtes venue pour mentir ?»
L'amertume ronge, séquelle de la grève de cet hiver, historique dans sa durée (plus de trois semaines) et massivement suivie (98 % de grévistes) qui s'est achevée sans résultat. Et avec le sentiment, voire la certitude d'être mal aimés. Il y a eu sur les ondes le sempiternel micro-trottoir avec l'«usager pris en otage». Puis Le Figaro a titré sur une grève «inadmissible». «Ils roulent 2 h 50 par jour», fustigeait le 19 décembre un éditorialiste. Ajoutant que «la plupart du temps, [le conducteur] doit juste se rendre disponible pour des déplacements de trains en gare», il préconisait de «reconsidérer le droit de grève». Les agents de la RATP, eux,