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Libération
Interview

«La finance est devenue un Etat dans l’Etat»

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Jean-Hervé Lorenzi, professeur d’économie à Paris-Dauphine, et Paul Jorion, anthropologue et sociologue, interrogent le rôle des économistes, en perte de légitimité depuis qu’ils ont échoué à prévoir la crise :
publié le 17 avril 2010 à 0h00

Les économistes sont-ils utiles ? L'interrogation n'est pas nouvelle, Winston Churchill y avait répondu avec cette formule assassine, restée célèbre : «Si vous mettez deux économistes dans une pièce, vous aurez deux avis différents. A moins que l'un d'entre eux ne soit Lord Keynes. Dans ce cas, vous aurez trois avis différents.» Dans les années 20, tout nouveau chancelier de l'Echiquier (ministre des Finances, ndlr), Churchill est confronté à la déflation, au chômage et à la grève des mineurs. Près d'un siècle plus tard, les étudiants en économie donnent dans l'autodérision, citant volontiers… un inconnu : «Les économistes ont prévu neuf des cinq dernières récessions.» Pourtant, entre modèles stochastiques, aléa moral, effet d'hystérèse et asymétrie informationnelle, les économistes et autres docteurs ès finances ont inventé des méthodes d'analyses ultra-sophistiquées de la chose économique. L'œil rivé à leur «microscope», ils sont nombreux à prétendre expliquer la totalité du monde à l'aide de leurs seuls modèles. «Fini, expliquaient-ils, du moins avant la crise des subprimes, l'époque où dominait le poids de l'incertitude et de l'irrationalité d'une partie des comportements humains.» Jusqu'en 2007, avant que ne vole en éclats la finance, emportant avec elle ces «belles» convictions. Certes, beaucoup des théories économiques ont permis de mieux appréhender les réalités économiques et sociales. Mais voilà, les économistes, ou plut