Dans sa vie, Chan Ngo a déjà connu le génocide au Cambodge, l'exode au Vietnam «sans même des chaussures pour marcher», la dictature communiste, la fuite en Thaïlande et l'immigration aux Etats-Unis. A Venice, en Louisiane, elle pensait avoir enfin trouvé une «bonne vie», à force de travail acharné. En 2005, ce fut l'ouragan Katrina qui a submergé le dock à crevettes où son mari et elle réceptionnent d'ordinaire les livraisons d'une centaine de chalutiers. Et maintenant la marée noire. «Je suis inquiète», répète Chan Ngo, 48 ans, d'une petite voix qui ne laisse guère transparaître les émotions. «La saison allait juste commencer, c'est le moment où on fait beaucoup d'argent d'habitude…» dit-elle, montrant les chalutiers à quai ce week-end devant son bureau, sans une seule crevette à débarquer.
Le pétrole déversé depuis le 20 avril par la plateforme Deepwater Horizon, à 70 kilomètres au large, est arrivé ces derniers jours tout près de Venice, à l’embouchure du Mississippi. Dès samedi, en prenant le bateau, on pouvait voir à la surface de la mer de petites langues d’huile luisante pénétrer dans les roseaux. La pêche a été interdite à l’est du Mississippi. Et le pétrole continuait hier à couler. Au rythme de 5 000 barils par jour (795 000 litres) a indiqué British Petroleum (BP), qui exploitait la plateforme accidentée, tout en soulignant qu’il ne s’agit que d’une estimation. Certains experts suspectent que le flot pourrait être cinq fois plus