Quatre décennies après mai 68, la réforme des retraites marque-t-elle l’ultime victoire de la génération des «baby-boomers»? De l’avant-projet de loi que dévoilera demain matin Eric Woerth, ministre du Travail, un fait est déjà acquis: une nouvelle fois, la réforme va largement épargner la génération née au sortir de la guerre et qui, depuis son entrée fracassante dans la vie politique nationale, n’a cessé d’être perçue comme la génération bénie des dieux. A elle, la croissance, les contrats à durée indéterminée, l’optimisme politique, la révolution des mœurs et désormais de vieux jours à l’abri du besoin. Aux générations suivantes, le chômage, la précarité, la dette publique et, pour tout horizon, une pension écornée.
«Bonne fortune». Sociologue quadragénaire, obstiné et volontiers sarcastique, Louis Chauvel dénonce depuis plus de dix ans l'égoïsme de la génération qui l'a précédé (lire entretien page 4). Dans un ouvrage collectif paru le mois dernier sous un titre Le Choc des générations ? (1), il en fait la démonstration chiffrée. Ainsi, en 1979, le revenu disponible moyen des 35-39 ans était supérieur de 6 % à la moyenne ; or, en 2005, il se situe 6 % en dessous. Symétriquement, les 55-59 ans, qui étaient à - 4 % sous la moyenne il y a trois décennies, caracolent désormais à + 7 %. «La génération 68 conserve jusqu'à présent les fruits de la bonne fortune de sa jeunesse: faible taux de pauvreté, haut niveau de vie, de patrimoine et d'accès à l