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Libération

Repenser les banques centrales

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par Thomas PICKETTY
publié le 15 juin 2010 à 0h00

Les banques centrales peuvent-elles nous sauver ? Non, pas complètement. Mais elles détiennent une partie de la solution à la crise actuelle. Reprenons par le commencement. Depuis toujours, il existe deux façons pour l’Etat de se procurer de l’argent : faire payer des impôts, ou fabriquer de la monnaie. De façon générale, il est infiniment préférable de faire payer des impôts. La planche à billets se paie par de l’inflation, dont on maîtrise mal les conséquences distributives (ceux dont le revenu est moins revalorisé que les autres paient le prix fort), et qui désorganise les échanges et la production. Une fois lancé, le processus inflationniste est en outre difficile à arrêter, et n’apporte plus aucun bénéfice.

Dans les années 1970, l’inflation atteignait 10 % à 15 % par an, et cela n’a pas empêché la stagnation économique et la montée du chômage. Cet épisode durable de «stagflation» a convaincu les gouvernants et les opinions que les banques centrales devaient être «indépendantes» du pouvoir politique, dans le sens où elles devaient se contenter de faire progresser lentement et régulièrement la masse monétaire afin de cibler une inflation faible (1% ou 2%). Personne n’a été jusqu’à proposer que les banques centrales soient privatisées (jusqu’en 1936, la Banque de France était la propriété d’actionnaires privés).

En Europe comme aux Etats-Unis, les banques centrales demeurent intégralement possédées par les Etats, qui fixent leurs statuts, nomment leurs dirigeants, et empo