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Libération

La marge des autres, tu convoiteras

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publié le 23 juin 2010 à 0h00

«C'est de l'esclavage. Il faut plier sous le joug pour survivre.» Robert (1), patron d'une PME de 200 salariés, égrène, contrat en main, la longue liste de clauses abusives que lui impose un grand sous-traitant automobile pour écraser les prix : baisse des tarifs de 3% par an, obligation de s'aligner si le client trouve moins cher ailleurs en cours de contrat, ou encore obligation d'acheter de nouvelles machines. Le patron doit aussi fournir à l'industriel le décompte précis de tous ses coûts, histoire de vérifier que la PME ne réalise aucun profit ou presque. Ses actionnaires ont dû remettre plusieurs fois de l'argent au pot, mais n'ont reçu aucun dividende depuis dix ans. «Quand on proteste, le client nous répond que tout le monde accepte. Du coup, on vivote en tirant au maximum sur les salaires et les investissements. Nous ne pouvons plus innover pour rester des fournisseurs performants», se désole Robert.

«Auparavant, on avait une coopération industrielle étroite avec les donneurs d'ordres. Désormais, les achats ont été confiés à des jeunes issus des grandes écoles qui ne connaissent pas la technique et dont le seul critère est le prix», diagnostique Jean-Pierre Lucas, président de l'Union des industries et métiers de la métallurgie de Moselle. Ces acheteurs ont importé les pires pratiques de la grande distribution : marges arrières, ruptures de contrat immédiates, renégociations sauvages. «Un client m'a demandé de baisser mes prix de 20%. M