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Libération
Interview

«Berlin a une vision mercantiliste»

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Comparant les stratégies de sorties de crise, l’économiste Michel Aglietta revient sur la politique drastique de réduction des déficits défendue par l’Allemagne :
publié le 26 juin 2010 à 0h00

Michel Aglietta est professeur d’économie à l’université Paris-X Nanterre, consultant au Cepii et à Groupama Asset Management.

Le G20 traite-t-il plus des conséquences de la crise que des causes qui ont été à l’origine de celle-ci ?

L’objectif initial du sommet est de renforcer la capacité du système financier face aux processus déséquilibrants qui ont entraîné la crise. Du moins en théorie. Car dans la réalité, il n’y a pas d’unité du G20, ni sur le renforcement des règles financières ni sur les politiques de sorties de la crise.

C’est-à-dire ?

Deux visions s’opposent. Les Américains pensent que le secteur privé est confronté à de grosses difficultés… pas seulement aux Etats-Unis. Les entreprises et les ménages du monde occidental cherchent à réduire le niveau de leurs dettes et freinent leurs dépenses. Dans ce contexte, les dirigeants américains ne croient pas que le secteur privé puisse compenser une politique d’austérité budgétaire. Les Allemands ont une position diamétralement opposée. Ils défendent l’idée qu’il faut réduire les déficits budgétaires, arguant que la compétitivité externe de leur économie soutiendra une croissance suffisante.

Deux visions problématiques ?

Oui, car cette divergence va accroître les déséquilibres internationaux. L’une, d’inspiration keynésienne, va creuser le déficit extérieur américain. L’autre, mercantiliste, vise à accumuler des excédents sur le reste du monde.

Nous subissons un égoïsme allemand ?

Oui. Berlin estime que, face au vieillissement de sa population, les ménages allemands seront dans l’incapacité de soutenir une demande intérieure suffisamment forte pour dynamiser la croissance de la zone euro. Alors, consciente de