Il y a 110 ans paraissait un livre, la Théorie de la classe de loisir, qui inaugurait avec une incroyable prémonition, l'étude des comportements dans nos sociétés modernes ; il n'a aujourd'hui presque pas pris de ride. La thèse de son auteur, Thorstein Veblen, consistait à définir la classe des privilégiés comme la classe de loisir et à définir son comportement social comme totalement tourné vers la démonstration publique, au travers de ses consommations ostentatoires. Cette classe privilégiée prétendait assurer sa supériorité matérielle et morale en affichant des éléments de train de vie signant sa richesse et sa gloire vis-à-vis de toutes les autres classes de la société se faisant contempler, contester, jalouser, envier mais finalement imiter. Les femmes, dans ces milieux, à cette époque-là, paraient leurs tenues vestimentaires de bijoux, démontrant à l'envi la puissance des époux et des lignages. Veblen définira ce comportement comme n'ayant comme principal objectif que de s'isoler et de s'exclure des «gens communs».
La société moderne voit sa nouvelle aristocratie, sa nouvelle élite, reproduire ce modèle. Au fond, hier élite aristocratique ou d’argent, élite d’argent ou d’idées aujourd’hui, la classe des privilégiés aime par son faste public et ses éclats privés, fixer la norme et régler le juste bon goût. Il est de toute rigueur, en son sein, de consommer des produits onéreux qui signent d’emblée vis-à-vis de l’extérieur, la richesse, le rang et la supériorité.