Menu
Libération
Interview

Esther Duflo «L’extrême pauvreté peut être endiguée»

Article réservé aux abonnés
Alors que l’ONU a ouvert hier son sommet sur les objectifs du millénaire, l’économiste Esther Duflo revient pour «Libération» sur l’état des différentes politiques de développement.
Au Soudan. (REUTERS)
publié le 21 septembre 2010 à 0h00

Il y a dix ans, 189 Etats se réunissaient à New York, sous l’égide des Nations unies, et s’engageaient à réduire (entre 1990 et 2015) de moitié la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à 1,25 dollar (0,95 euro) par jour. C’est de nouveau à New York que plus de 140 chefs d’Etat sont réunis depuis hier (lire ci-contre) et jusqu’à demain pour en dresser un bilan et tracer de nouvelles pistes qui aideront à transformer des promesses en actes.

La jeune économiste Esther Duflo est une spécialiste des questions liées à la pauvreté et au développement humain. Elle a été en 2009 la première titulaire de la chaire «Savoirs contre pauvreté» au Collège de France. Le saint des saints. A 37 ans, elle est professeure d’économie au Massachusetts Institute of Technology. C’est là qu’elle met au point une méthode rigoureuse d’évaluation des programmes qui marchent, ou qui échouent, dans la lutte contre le fléau de la pauvreté. A des années-lumière des discours sur le développement, qui tournent parfois à la caricature.
Pensez-vous, comme l’ONU, que le premier objectif du millénaire, la réduction de l’extrême pauvreté et de la faim, sera atteint d’ici 2015 ?

D’un point de vue purement quantitatif, il semble bien que ce sera le cas pour l’extrême pauvreté. Mais les progrès sont dus essentiellement aux excellentes performances de la Chine et de l’Inde. Ceci dit, ce qui compte vraiment, c’est la qualité de la vie des plus pauvres. Or, la relation entre hausse du revenu et meilleure qualité de vie est loin d’être évidente. Ainsi, même si le nombre de personnes qui sont officiellement pauvres diminue fortement en Inde, je ne suis pas persuadée que la qualité de vie de ces «nouveaux riches» a beaucoup augmenté. S’agissant de la réduction de la faim, il est difficile de quantifier un tel objectif. Je n’ai jamais bien compris comment on mesurait si quelqu’un avait faim ou pas.

L’état de l’éducation et de la santé, qui représente l’essentiel de la mesure du développement humain, incitent-ils à l’optimisme ?

De plus en plus d’enfants vont à l’école, voire au lycée. Encore faudrait-il qu’ils y apprennent quelque chose. Trop souvent, la qualité de l’éducation, qui aurait dû être un objectif du millénaire, fait défaut. Les enfants sont à l’école, mais n’y apprennent presque rien. Moins de la moitié des enfants