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Interview

«A-t-on les moyens de refuser le cash chinois ?»

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Pour l’économiste Jean-François Huchet, l’Europe doit être «vigilante» sur les achats d’un «Etat autoritaire» :
publié le 8 octobre 2010 à 0h00

Jean-François Huchet, docteur en économie, dirige le Centre français d’études sur la Chine contemporaine (CFEC), basé à Hongkong. Entretien.

La Chine devrait acheter plus de 4 milliards d’euros de bons du Trésor grec. Pékin devient-il le banquier de l’Europe ?

La Chine montre qu’elle veut prendre pied en Europe. Mais comparés à la dette grecque, les montants investis sont peu significatifs. D’autant que cet achat de dette est conditionnel : il va en grande partie permettre à la Grèce d’acheter des bateaux chinois. Pékin veut ainsi maintenir un certain niveau de commerce extérieur avec la Grèce, qui achète 4 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) de produits chinois par an. Ce n’est donc pas une mauvaise nouvelle pour l’Europe de voir qu’une partie de sa dette est achetée par le pays dont les réserves en devises (2 350 milliards de dollars) sont aujourd’hui les plus importantes au monde.

La Chine peut-elle y perdre des plumes ?

Oui, Pékin prend un risque. Tant que les banques européennes n’ont pas restauré leurs capitaux, un voile sur la dette souveraine grecque demeure. Et l’hypothèse que la Grèce fasse défaut d’ici quelque temps n’est pas à écarter. A l’inverse, si tout se passe bien, la Chine fait un bon investissement, car la dette grecque est très bien rémunérée.

Cela s’inscrit dans le cadre d’une stratégie financière et monétaire de la Chine ?

Depuis trois ou quatre ans, la Chine a la volonté de diversifier les monnaies dans lesquelles elle investi ses réserves, et l’euro en fait partie. Pékin envoie, ce faisant, un message aux Etats-Unis en les prévenant qu’ils n’achèteront plus uniquement des actifs en dollars ou de la dette américaine. La Chine détenait néanmoins, en septembre, 846 milliards de dollars