En préférant l’allemand Siemens au français Alstom pour ses nouveaux trains à grande vitesse, Eurostar n’a pas seulement ulcéré le gouvernement français. La filiale de la SNCF s’est également fourrée dans un sacré dans un sac de nœuds. Car les 10 Velaro dont Eurostar a annoncé la commande jeudi n’ont pas le droit, à ce jour, de circuler sous la Manche.
La compagnie était pourtant prévenue. Selon nos informations, le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo, avait écrit mercredi dernier au directeur général d'Eurostar, Nicolas Petrovic, pour lui rappeler que les Velaro ne respectaient pas les normes de sécurité du tunnel. «Le ministre a été stupéfait», confie l'un de ses proches. Le PDG d'Alstom, Patrick Kron, s'est indigné à son tour dans le Figaro d'hier : «Cette décision est parfaitement incompréhensible. […] La direction d'Eurostar a fait son choix en sachant pertinemment qu'elle retenait un matériel non conforme.» Il assure examiner «les aspects légaux», soit une menace à peine voilée de procès.
Tout commence en mars 2009, avec les premiers contacts ultrasecrets entre Eurostar et les industriels. L’opérateur transmanche souhaite des trains plus denses (au moins 850 passagers par rame au lieu de 750) pour doper sa fréquentation. Il faut pour cela libérer de la place grâce à la «motorisation répartie», qui consiste à placer les moteurs sous chaque wagon.
Mais il y a un hic : le règlement de sécurité du tunnel n’autorise que les rames avec motrices.