Professeur d’économie à l’université Paris Dauphine, El Mouhoub Mouhoud est spécialiste des multinationales, des délocalisations et de la mondialisation (1). Il analyse la politique des groupes du CAC40 et l’efficacité des aides publiques dont ils bénéficient.
Etes-vous surpris de voir que les sociétés du CAC ont détruit 44 000 emplois en France en cinq ans ?
Pas du tout. Ces dernières années, et en particulier avec la crise, les groupes du CAC 40 ont tout fait pour préserver leur rentabilité et leur situation financière afin de satisfaire leurs actionnaires. Ils ont réduit leur dette et baissé leurs coûts salariaux, en particulier en France et en Europe, qui souffrent d’un déficit de croissance. Ce qui a abouti à des destructions d’emplois. Les grands groupes américains ont d’ailleurs fait la même chose : en 2008-2009, ils ont détruit deux fois plus d’emplois que prévu sur leur sol.
Les entreprises se justifient en invoquant leur développement à l’étranger. Est-ce convaincant ?
Non. Il n’y a pas de relation de causalité entre suppressions d’emplois en France et investissements directs à l’étranger pour y conquérir des parts de marché. Lorsqu’un groupe rachète une entreprise ou construit une usine en Chine pour desservir le marché local, ça crée du chiffre d’affaires et des bénéfices qui permettent de réinvestir dans le pays d’origine. Sur le long terme, le développement à l’étranger peut parfaitement créer de l’activité sur le sol national.
Alors, pourquoi les effectifs baissent-ils en France ?
Les sociétés du CAC opèrent à l’échelle mondiale et arbitrent la localisation de leur production en fonction du dynamisme des marchés. Ils investissent massivement en Asie et en Amérique du Sud parce que la croissance y est très forte