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Libération
portrait

Pommiers en pleurs

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Pierre Priolet. A 59 ans, cet arboriculteur provençal est devenu le porte-parole émotif des petits producteurs déclassés.
publié le 28 février 2011 à 0h00

«Il ne représente rien.» Bruno Lemaire est lapidaire quand, à France Inter, à l'heure du Salon de l'agriculture, on l'informe de la présence de Pierre Priolet, arboriculteur provençal, dans les studios. Pour le ministre de l'Agriculture, la parole de ce petit producteur de fruits ne vaut donc rien. Pourtant, on n'a pas oublié cette voix. On garde intact en mémoire le souvenir de ces mots étranglés, de ces sanglots entendus sur France Inter justement, un matin de décembre 2009. Si frappants qu'on s'était immobilisé pour écouter cette voix rompant les discours bien huilés, cette expression d'une détresse crue au bord du gouffre. Ce matin-là, c'était déjà Bruno Lemaire, l'invité de la Matinale d'Inter.«J'allais partir travailler, se souvient Pierre Priolet, c'était un de ces jours d'hiver lumineux en Provence où tu sais que tu vas te geler dans les vergers.» La colère l'envahit, lui fait décrocher le téléphone. «Vous travaillez à perte et le ministre vous parle d'aides ! C'était insultant. Je voulais juste témoigner.» Ce qu'il parvient à dire, entre rage et désespoir, c'est qu'il a vendu ses pommes à 9 centimes et les a retrouvées en vente en magasin à 2,80 euros. «Une fois, mes fruits vendus, il m'a manqué 15 000 euros pour payer le ramassage. J'ai vraiment l'impression d'être pris pour un con. Si ça continue, j'arrache tous mes arbres. Si on ne veut pas de nous, si on nous méprise à ce point, il vaut mieux s'en aller !» Les sanglot