Quand on évoque le nucléaire en France, se profile aussitôt l’ombre de son lobby. A la fois irrésistible et insaisissable. Un réseau politico-industriel aussi puissant que ramifié qui expliquerait l’obsession française pour l’atome et son retard pathologique en matière d’énergies renouvelables. Notre industrie du nucléaire civil dispose, en réalité, bien plus que d’un simple lobby acquis à sa cause. Elle s’appuie sur un Etat nucléocrate, dont la légitimité se nourrit de profondes racines historiques et transpartisanes.
Technostructure. «Le choix pour l'atome civil découle d'abord de la politique de dissuasion nucléaire voulue et pensée par le général de Gaulle», assure Gilles Leblanc, professeur d'économie à l'Ecole des Mines ParisTech. Et le choc pétrolier de 1973 a servi de puissant et opportuniste accélérateur. Au nom de l'indépendance énergétique, Valéry Giscard d'Estaing lance alors un immense programme de construction de centrales. Sur le mode d'une économie administrée quasi soviétique, il va s'appuyer sur une technostructure d'une efficacité redoutable : un centre de recherche très puissant (le Commissariat à l'énergie atomique), une entreprise publique performante (EDF) et le corps des Mines (né en 1810 !), une élite d'ingénieurs sortis principalement de l'Ecole polytechnique. Un vivier intarissable de têtes bien pleines qui conduit depuis au moins un siècle les affaires de l'industrie française (sa politique, comme la direction de ses grand