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Libération
Reportage

L’Inde dans la spirale macabre du microcrédit

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Le miracle économique a tourné au jeu de massacre : dans l’Etat d’Andhra Pradesh, plusieurs bénéficiaires, endettés, ont mis fin à leurs jours.
publié le 25 avril 2011 à 0h00

Le visage tiré, les yeux cernés par le manque de sommeil, Khaja désespère. «A nous deux, mon père et moi gagnons au mieux 7 000 roupies [environ 109 euros, ndlr] par mois, mais nous devons payer 3 000 roupies de traites par semaine. Je n'en dors plus la nuit, je ne sais pas comment on va s'en sortir.» A 26 ans, ce peintre en bâtiment est victime de ce que beaucoup considéraient jusqu'à peu comme la solution miracle pour lutter contre la pauvreté dans les pays en développement : le microcrédit. Un système qui, manipulé par des entreprises privées, est par endroits en train de tourner au désastre. Le 27 septembre, la mère de Khaja, Jahirabee, s'est suicidée, lui laissant deux enfants à charge, une modeste maison hypothéquée et des dettes irremboursables. «Elle s'est pendue dans la nuit, car elle savait que les agents allaient revenir réclamer une traite le lendemain, et elle n'avait pas de quoi payer.»

Piège. L'histoire de cette famille originaire de l'Andhra Pradesh (sud-est de l'Inde) est une illustration tragique des dérives apparues ces dernières années dans la microfinance. Jahirabee avait en effet réussi à contracter des prêts auprès de… huit sources différentes. Plus de 7 000 euros au total, alors que la famille en gagnait au mieux 150 par mois. Prise au piège, elle avait même dû recourir aux usuriers pour pouvoir rembourser ses micro-emprunts auprès des institutions de microfinance (IMF), des compagnies privées qui prétendent